Au Congo, les peintres populaires font abstraction des codes de la peinture depuis longtemps. Ils ne reçoivent de leçons de personne et leur peinture illustre les préoccupations de la société urbaine. La peinture populaire s’apparente aussi à une chronique du quotidien. L’écriture picturale du peintre Kinois Enyejo Bakaka impose sa présence avec un talent insolent.

Artiste peintre et compositeur, Enyejo Bakaka, naît à Kinshasa le 3 juin 1976, en République démocratique du Congo. Le peintre grandit dans une famille modeste, où son talent émerge avec célérité. Tout jeune, le Kinois, sapeur de nature, surdoué pour le dessin, la sérigraphie, la peinture et l’art décoratif, jette son dévolu sur les arts plastiques, option peinture. Il fait une partie de ses classes à l’école primaire du Camp Militaire LUFUNGULA, dans la Commune de Lingwala, à l’ouest de Kinshasa. Enyejo Bakaka commence à griffonner. Sur papier d’abord, iI reproduit pour ses amis des dessins de leurs commandes.

En immersion

Flori Bakaka, que ses proches appellent affectueusement Enyejo, fréquente beaucoup l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, à côté de laquelle il habite. Il aime visiter la salle d’exposition qui présente le travail des artistes kinois, les œuvres d’étudiants ou d’artisans réputés. La découverte du Petit Musée national des Beaux-Arts de Kinshasa le marque durablement. Il découvre les œuvres d’art ethnographique, la culture traditionnelle du Congo, symbolisée par des masques, des statuettes tribales, ou des objets rituels ancestraux… Cette immersion dans l’art classique africain octroie une nouvelle orientation à son univers de création.

Son apprentissage à l’Académie des Beaux-Arts équivaut à un «déclic ». La construction des croquis, des dessins, des portraits. Il décide alors de faire de sa passion son métier.

«L’apprentissage Intuitif»

Les années 1984 à 1988 voient l’émergence à Kinshasa d’un nouveau courant artistique. Enyejo Bakaka continue son autoformation, ce qu’il appelle son «apprentissage Intuitif». Sa carrière d’artiste débute alors vraiment. Il applique intuitivement la reproduction de scènes naïves, qu’il insère dans des compositions néo-populaires. Celles-ci modifient et subliment les réalités d’une vie déformée ou rêvée. Des murs d’école, à l’art mural, publicitaire, «alimentaire», à l’art tout court, on pourrait croire qu’il n’y a qu’un pas.

Il doit néanmoins déménager à l’est de Kinshasa, à la Tshangu, dans le district de l’Aéroport international de N’Djili. Ce quartier bouillonnant interpelle fortement Enyejo, et stimule sa fibre artistique. C’est là qu’il côtoiera des artistes de renom international comme le grand manitou, l’intraitable et l’incontournable, Joseph Kinkonda Kubutuka alias Cheri Cherin, Botalatala, Papa M’fumu’Eto premier, J.P Mika, Cheri Samba, Butos Kwikumbi, Thajos Marciano, Makwaya. Ces rencontres s’avèrent déterminantes, et une nouvelle page s’écrit dans la carrière de l’artiste.

Vers l’hyper réalisme

Les rencontres de l’époque octroient une autre dimension à son travail. Enyejo développe sa propre démarche qui se distingue de ses collègues. Cette ligne s’épanouit d’ailleurs jusqu’aujourd’hui. Elle trouve son fondement sur la force du dessin, la tradition africaine, la magie de la couleur. On retient notamment l’hyper réalisme de scènes et personnages extraits du quotidien, poussés à l’extrême, sans occulter un esthétisme fulgurant et un sens aigu de la couleur.

Ces tons vifs et chauds expriment une sorte de contradiction avec la violence de la vie à Kinshasa : la poésie et la joie du moment présent finissent par triompher. La peinture d’Enyejo Bakaka apporte un vent frais bienvenu, un renouveau dans la galerie des artistes du Congo.

Lubumbashi en RDC aura la chance de découvrir le travail de ce grand artiste en devenir. Il accrochera en 2021 «Génération Arc en Ciel», son exposition individuelle à la GAC de L’ASBL Dialogues.